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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 28 février 2022

bonnes pratiques : bonnes à tous égards ?

Bonnes pratiques : bonnes à tous égards ?

Qui pourrait s’opposer, ou même simplement être critique sur les bonnes pratiques, qui ont fait l’objet dans le secteur médico-social (handicap, personnes âgées, aide à l’enfance) de nombreuses recommandations et de milliers de pages rédigées par la HAS (Haute Autorité de Santé) ? Mettre les personnes handicapées au centre, développer la qualité des pratiques professionnelles, la bienveillance, le respect des droits fondamentaux, l’accompagnement à l’autonomie et à la participation sociale, la citoyenneté, etc. : contester ces orientations et leur mise en œuvre concrète n’a plus de sens aujourd’hui, parce que notre société a pris conscience collectivement de la place des personnes en situation de handicap en son sein et de l’exigence de prendre ces éléments en considération.

Il faut toutefois considérer que ces bonnes pratiques, mues par de belles intentions, se heurtent inexorablement et depuis longtemps à des obstacles persistants : la maltraitance existe toujours, les personnes concernées n’ont ni toujours ni partout la parole, leurs droits sont loin d’être effectifs. Et il y a une complaisance certaine, de la part d’un certain nombre de dirigeants politiques, administratifs et gestionnaires, à attribuer ces retards et ces écarts avec les objectifs visés à une mauvaise volonté, une ignorance ou une résistance des professionnels à comprendre et mettre en pratique ce qui est parfois présenté comme les évangiles du secteur. En oubliant que le système lui-même est tout autant responsable de l’absence ou de l’impossibilité de ces bonnes pratiques. Ce sont bien les politiques publiques qui sont éloignées concrètement des droits fondamentaux (scolarisation, accessibilité…) ; ce sont elles qui tolèrent la maltraitance (dans les institutions, même les lanceurs d’alerte ne sont pas protégés), qui ne favorisent pas l’autonomie (conditions de vie en établissements spécialisés). Les bonnes pratiques, mises en œuvre individuellement par les professionnels, se heurtent à des pratiques politiques et institutionnelles contraires.

Les bonnes pratiques se présentent comme recommandations. A ce titre, elles pourraient n’apparaitre, aux yeux des professionnels, que comme des outils parmi lesquels ils pourraient puiser pour améliorer leurs pratiques, comme ils en puisent éventuellement dans les nombreux ouvrages ou articles de la littérature professionnelle. Si cela était ainsi, tout irait bien dans le meilleur des mondes, et les professionnels pourraient s’engager, sur la base des compétences de leurs métiers respectifs, de manière active, intellectuellement et idéologiquement, sur l’amélioration qualitative de leurs pratiques. Mais le jeu est biaisé, le métier ne compte plus. L’établissement, lui, sera évalué sur l’application, et la bonne application, des recommandations. Celles-ci se transforment ainsi chez les responsables en injonctions auxquelles doivent répondre (obéir) les professionnels.

Le but et le principe d’une recommandation sont d’obtenir un consentement intériorisé à quelque chose. Ceux d’une injonction sont d’imposer quelque chose, même sans consentement. L’une est-elle préférable à l’autre ? L’injonction, en s’imposant de manière hétéronome crée de la résistance et de l’opposition, ou de la soumission. La recommandation manifeste son hétéronomie de manière plus perverse. Elle indique une norme qui devient ce en dehors de quoi ce n’est plus raisonnable, ou rationnel, ou décent. Elle ne donne finalement d’autre choix que celui du consentement, d’une adhésion. Il s’agit donc d’une « servitude volontaire » à un système qui ne s’impose pas réglementairement mais par des normes à respecter dans la pratique professionnelle.

La mise en œuvre des bonnes pratiques se rapporte à ce titre à une série d’injonctions paradoxales : développement de l’autonomie des usagers versus pratiques professionnelles instaurées de manière hétéronome ; bientraitance des usagers versus maltraitance des professionnels par les pratiques organisationnelles et managériales d’imposition des recommandations. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que les pratiques ne parviennent pas à devenir bonnes.

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