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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 28 mai 2021

les miracles annoncés des diagnostics

Les miracles annoncés des diagnostics

Il n’est pas de jours où l’on voit dans la presse, générale ou spécialisée, ou sur les réseaux sociaux des « scoops » sur de nouvelles découvertes sur les origines, les causes ou la nature de différents maladies, troubles ou déficiences. Ici une nouvelle séquence génétique est découverte pour telle maladie rare, là c’est une zone du cerveau qui s’active pour les sujets ayant tel trouble, ou encore l’on découvre un nouveau dysfonctionnement de synapses qui serait susceptible d’expliquer telle déficience. Ces découvertes sont censées pouvoir préciser des diagnostics, voire éviter de poser de faux diagnostics. Le développement des neuro-sciences est d’un apport majeur à ce niveau, et l’on ne peut que se réjouir de telles avancées. Même si les acteurs de telles découvertes ne sont pas dans une telle posture, bien souvent elles sont présentées comme une condition essentielle dans la réduction des handicaps.

Ces découvertes, aussi positives soient-elles, ne s’exercent pas dans un monde éthéré, mais s’accompagnent de postures et de représentations, de certitudes et d’a priori relatifs à ce qu’il convient de faire une fois ces connaissances affirmées. Il s’agit tout d’abord de l’idée selon laquelle la situation de handicap se réduirait aux déficiences, maladies, troubles ou incapacités, c’est-à-dire que le handicap appartiendrait à la personne, et non à l’interaction entre d’une part la personne et ses caractéristiques et d’autre part l’environnement et ses caractéristiques, interaction qui est à la source de la production d’une situation de handicap. Le discours sur ces découvertes réaffirme le caractère unilatéralement biologique, bio-médical, neurologique de la considération de la situation de handicap, et n’offre en définitive comme solutions qu’une meilleure prévention, un meilleur diagnostic, et une meilleure réponse réparatrice ou rééducative concernant le fonctionnement en question, sans questionner le fonctionnement social qui peut faciliter ou faire obstacle à la participation sociale des personnes concernées.

C’est ensuite l’idée que la nature de la connaissance des caractéristiques corporelles (physiques ou psychiques) et de leurs dysfonctionnements par rapport à une norme (les « valides ») permet d’inférer et de définir l’ensemble des actions à effectuer pour rétablir au mieux la normalité souhaitée. Mais la connaissance, même très précise, de la cause et de la nature d’une déficience n’indique en rien ni les choix à faire, ni la totalité des réponses pour réduire des situations vécues de handicap. Ainsi par exemple, les aspects génétiques de la déficience sont beaucoup mieux connus, ainsi que les mécanismes de traitement neurologiques des impulsions acoustiques. Ces connaissances permettent-elles d’orienter de manière relativement injonctive sur des choix anthropologiques d’implantation cochléaire et d’éducation oraliste, au détriment de l’accès à une langue visuelle et à une éducation bilingue ? De la même manière, les indications médicales concernant les troubles des apprentissages se heurtent parfois aux approches pédagogiques d’enseignants, et il n’y aucune raison de considérer de manière absolue les premières comme plus pertinentes que les pratiques pédagogiques essayées et souvent réussies par ces enseignants.

Au-delà du seul exemple des sourds, c’est toute la perspective de l’accompagnement des personnes en situation de handicap qui serait à revoir pour penser cet accompagnement non pas comme une conséquence ou un acte induits par le seul diagnostic, mais comme des réponses écosystémiques qui ont parfois besoin de s’affranchir des indications médicales réduisant le handicap à ses aspects biologiques (au sens large du terme). Il ne s’agit pas de faire le déni de l’intérêt de telles recherches et découvertes, pouvant améliorer une partie (peut-être relativement réduite) des réponses à apporter pour améliorer les situations de vie des personnes (et pas seulement dans la seule perspective de devenir le plus « valide » possible). Mais simplement de les remettre à l’échelle d’une approche écosystémique des situations de handicap.

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