Droits et besoins
Il y a toujours une certaine ambiguïté à nommer ce qui
qualifie, et par là-même parfois les identifie, les personnes en situation de
handicap. Sur le plan politique, tant dans les discours les concernant que dans
la réglementation, c’est le terme citoyen qui est utilisé, ou à tout le moins
évoqué, remettant ces personnes dans le monde commun des droits de tous et de chacun.
Dès lors qu’ils sont, parce qu’en situation de handicap, en relation avec une
organisation qui a pour vocation de les accompagner (au sens le plus large de
ce terme), ils deviennent des usagers, des bénéficiaires ou des clients. On y
discute même de savoir lequel de ces trois termes définira le mieux le champ de
leur plus grande autonomie et de leur plus grande responsabilité d’engagement.
La personne est en définitive réduite à l’unique rôle social
d’être usager/bénéficiaire/client d’une organisation. La question de sa
participation sociale dans différentes habitudes de vie, dans ses activités
quotidiennes comme dans les autres rôles sociaux ne fait pas partie de la
définition qui est faite de l’usager. Ce qui n’est pas relation personne
handicapée / organisation est considéré comme hors champ de ses droits.
Un exemple pour illustrer cette problématique. Dans un
dispositif externalisé de jeunes sourds dans un collège, dont une partie en
inclusion accompagnée quasi-complète, une jeune fille sourde avait été élue
déléguée de classe. Par ailleurs, un autre des jeunes sourds avait été élu au
conseil de la vie sociale du service spécialisé. Lorsqu’il s’est agi de
contribuer à la rédaction d’un rapport annuel d’activité, à la rubrique Respect des droits et participation des
usagers, l’équipe professionnelle indiqua naturellement les deux
situations : les jeunes témoignaient là tous deux d’un engagement citoyen,
de l’exercice de leurs droits de jeunes dans leurs rôles sociaux.
Mais l’équipe avait tout faux ! La deuxième situation,
celle de la participation au conseil de la vie sociale, rentrait dans les
cases, celles d’un usager qui participe aux instances créées par une loi qui
donne des droits aux personnes handicapées vis-à-vis de l’organisation qui les
accompagne ; la qualité du rapport d’activités se mesurait à cette
participation et aux moyens de cette participation. Mais l’élection de la déléguée
de classe, et toute la préparation pour que la représentation soit de qualité,
ne rentrait pas dans les cases, elle était hors champ, hors des prérogatives et
droits d’un usager.
La participation sociale des personnes handicapées dans
l’ensemble de leur vie, dans tous les rôles sociaux ou les habitudes de vie,
devrait pourtant être le but ultime d’une situation temporaire, provisoire ou
définitive pour une personne ; sa vie ne se réduit pas à être un usager.
Il vaudrait peut-être mieux considérer les droits de l’usager comme un domaine
partiel et inclus dans l’application de l’exercice des droits de citoyen,
plutôt que de réduire l’exercice des droits (et l’évaluation) à celui d’un
usager. Cela vient peut-être en définitive de ce que l’on considère les
personnes handicapées davantage comme des personnes ayant des besoins (et quand
même des droits liés aux réponses à ces besoins) que comme des personnes ayant
avant tout des droits, ceux de tous.
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