"Ils n'iront quand même pas au brevet des collèges ! "
Dans une unité d’enseignement externalisée en collège, il y
avait plusieurs jeunes présentant des troubles des apprentissages (à l’origine
une dysphasie) en fin de scolarité. Ils bénéficiaient d’un enseignement
spécialisé pour l’ensemble de leur scolarité. Les enseignements étaient
adaptés, globalement sur les modalités offertes à des élèves de SEGPA. En cours
d’année, il fut discuté d’une présentation éventuelle de ces élèves au CFG
(Certificat de Formation Générale), auquel sont habituellement présentés les
élèves de SEGPA. Cette éventualité n’avait encore jamais étévenvisagée dans
cette unité d’enseignement. Face à l’argumentation en faveur de ce projet, un
des enseignants eut cette répartie : « Vous ne voulez quand même pas
qu’on aille les présenter au Brevet des Collèges ! », signifiant par
là son sentiment d’incongruité devant la proposition qui était faite d’une
présentation au CFG.
Combien de parcours scolaires ont ainsi été limités et
restreints par anticipation : l’existence du stigmate interdisait de
penser comme possible l’exercice de capacités, un développement normal, une
participation sociale satisfaisante, des parcours scolaires plus ambitieux. Le
stigmate, extériorisation de la déficience, condamnait (et condamne encore) des
élèves en situation de handicap à des dispositifs adaptés, non en fonction de
leurs capacités réelles, mais en fonction des incapacités attendues conformément
au stigmate.
Un autre exemple illustrera le propos. Julien est un jeune
sourd en 6ième au collège, en inclusion accompagnée dans tous les
cours par des enseignants spécialisés. En fin de 6ième, relativement
à son « niveau scolaire », il est « orienté » (c’est-à-dire
exclu) vers une classe spécialisée de jeunes sourds, mais pas du tout en inclusion.
A l’issue de sa scolarité obligatoire, et ayant obtenu son CFG, il effectue un
parcours de formation professionnelle en Centre de Formation d’Apprentis, avec
obtention d’un CAP. Puis il effectue un parcours pour un Baccalauréat
professionnel, puis un BTS. Peut-être est-ce la modalité de l’alternance qui
lui aura permis d’effectuer avec succès ce parcours de formation. Mais on ne
peut manquer de s’interroger sur son exclusion du parcours collège :
finalement les difficultés qu’il rencontrait en 6ième n’étaient-elles
pas celles attendues en rapport avec le stigmate attaché à la surdité plutôt
que des difficultés réelles ?
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