Difficultés ou incapacités ?
On peut identifier la situation de certains élèves par
rapport aux apprentissages comme relevant de difficultés ou comme relevant
d’incapacités. La notion de difficulté a cours au sein de l’école ; la
réponse aux difficultés se tient dans l’expertise pédagogique en termes
d’adaptation ou de différenciation, exceptionnellement au renvoi vers d’autres
expertises. La notion d’incapacité a cours dans le champ professionnel qui
s’organise autour des situations de déficience, de maladie ou de troubles, et
de leurs conséquences sur les apprentissages en termes
« d’incapacités ».
Lorsqu’on aborde la question par l’approche de la
difficulté, il n’y a pas a priori d’obstacles qu’on ne puisse tenter de
franchir. La difficulté (ou les difficultés) d’apprentissage est une notion qui
présente un caractère relatif : une difficulté se surmonte, certes du côté
du l’individu, mais aussi et peut-être surtout du côté de l’environnement dans
lequel se trouve cet enfant. Cette approche autorise le changement, voire le
provoque : l’adaptation ou la différenciation sont des pratiques d’accueil
des enfants qui n’entrent pas dans les normes scolaires. Les injonctions et
appels incessants des autorités éducatives à combattre l’échec scolaire et les
difficultés que rencontrent certains élèves sont là pour rappeler l’importance
de cet enjeu au sein de l’école, même si les choses ne sont pas faciles et que
d’autres enjeux entrent en conflit avec celui-là.
En revanche, l’approche par la notion d’incapacité trace une
frontière intangible entre les capables (capacités) et les in-capables
(incapacités). L’incapacité appelle à être éduquée, rééduquée, soignée,
compensée. Elle focalise la réponse exclusivement dans le changement de
l’individu, qui se doit de parvenir à réduire ses incapacités et/ou augmenter
ses capacités. L’incapacité, existant du fait de l’existence d’une déficience,
renvoie aux traitements des incapacités par les experts, c’est-à-dire la
plupart du temps des soignants (médecins, psychologues, orthophonistes, etc)
qui présentent seuls l’expertise du traitement du problème.
La migration de la notion de difficulté à la notion
d’incapacité s’est observée dans la question des « troubles des
apprentissages », en particulier dans la dysphasie et la dyslexie. Des « dyslexiques »
ou des « dysphasiques », il y en a toujours eu à l’école. Celle-ci
les a souvent bien mal pris en charge, les cantonnant dans les échecs
inévitables, sans mettre en œuvre l’adaptation et la différenciation
nécessaires. Avec la définition progressive de ces situations comme troubles,
c’est-à-dire comme pathologie, les difficultés sont devenues des incapacités. Mais
les incapacités ne sont pas du domaine des compétences professionnelles des
enseignants, qui eux traitent des difficultés d’apprentissage. Là où l’on avait
quand même des réponses pertinentes et inventives de certains enseignants avec
ces élèves, le système éducatif peut aujourd’hui se dédouaner du
« traitement de la difficulté » en la renvoyant aux spécialistes et
experts des incapacités.
Il n’est pas sûr que cela aille dans le sens de
l’inclusion.
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