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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

jeudi 27 avril 2017

le crépuscule d'une profession

Le crépuscule d'une profession

Sans vouloir « philosopher avec un marteau » pour briser les idoles comme Nietzche dans son ouvrage intitulé « Le Crépuscule des idoles », je parlerai ici d’une situation bien plus banale, celle de l’évolution d’une profession, celle d’enseignant spécialisé pour jeunes sourds (il y aurait aussi des analogies avec les enseignants spécialisés pour jeunes aveugles), qui « d’idole » à une époque passée, est aujourd’hui en butte à la question de son utilité sociale.


Lorsque l’éducation de ces populations était séparée de celle des autres enfants, leurs enseignants spécialisés faisaient légitimement partie d’une certaine élite dans leur expertise, dans leurs recherches et leurs pratiques, ainsi que dans leur statut. Tout au long du XIXe siècle et jusqu’à la fin du XXe siècle, les enseignants spécialisés pour sourds ont marqué la pédagogie (des méthodes pédagogiques ont été exportées avec profit dans l’éducation ordinaire) et la science (la linguistique et la phonologie leur doivent beaucoup). Et ils ont éduqué pendant ces siècles des enfants que personne d’autre ne voulait ou ne pouvait éduquer.
Il y a encore trente ans, lorsque les divers titres d’enseignement ont été réunis dans un seul diplôme, le CAPEJS, (Certificat d’Aptitude à l’Enseignement et au Professorat des Jeunes Sourds), les enseignants spécialisés avaient une position hégémonique dans les établissements spécialisés pour jeunes sourds. Les orthophonistes étaient encore peu nombreux(ses) et déjà apparaissaient comme concurrent(e)s sur les domaines de l’apprentissage de la langue et de la parole. Les éducateurs spécialisés étaient le plus souvent cantonnés au péri-scolaire et à l’internat et d’une certaine manière soumis aux priorités et à la hiérarchie scolaires. Médecins (ORL en particulier) et psychologues avaient pu trouver, non sans mal quelquefois, une place légitime dans les institutions.
Si cette hégémonie des enseignants a permis des scolarisations, alors que d’autres catégories de populations handicapées en étaient exemptes au profit de l’éducatif et du soin, elle a aussi créé des systèmes figés et exclusifs mis à mal aujourd’hui dès lors que les conditions d’accueil et de scolarisation des jeunes sourds ont changé. Refus de l’accessibilité, corps professionnels sclérosés, défense sans argumentation d’une mythique pédagogie spécialisée, sentiment (ou volonté) de monopole dans l’éducation des jeunes sourds : autant d’attitudes et de postures qui interdisent ou mettent des obstacles à des évolutions nécessaires pour que les élèves sourds puissent prétendre à davantage d’égalité de droits et de participation sociale.

Un exemple : la haute idée que se font les enseignants spécialisés de leur nécessaire présence à tous les moments de la scolarisation des jeunes sourds les empêchent de penser que les sourds n’ont pas toujours besoin de pédagogie spécialisée, qui d’ailleurs peine à se définir, qu’ils peuvent bénéficier d’accessibilité (langue des signes en particulier, ou langue française parlée complétée) pour accéder aux informations et aux connaissances, qu’ils fonctionnent cognitivement de la même manière que des enfants qui entendent dans la plupart de leur manière d’apprendre, etc. Ce faisant, ils mettent une frontière idéologique là où le vivre ensemble et l’apprendre ensemble seraient une possibilité. La reconnaissance de la langue des signes et la volonté (ou velléité) inclusive sont en mesure de marginaliser la position encore hégémonique des enseignants spécialisés.

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