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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 10 décembre 2024

pathologies et situations de handicap

 Pathologies et situations de handicap

Le discours pathologique est envahissant. Dès lors qu’apparait un « dysfonctionnement », fût-il social, un obstacle à la réalisation d’une activité ou d’une habitude de vie, il y a un réponse qui jaillit spontanément : ce serait une pathologie. Une fois ceci posé, une fois un diagnostic médical (car la caractérisation d’une pathologie est une attribution médicale) établi, ce sont cette vision et cette représentation qui deviennent prééminentes. La personne concernée devient un sujet pathologique (un déficient, un trouble, un malade), et la pathologie, envahissante, va avoir tendance à vouloir expliquer bien des comportements et des activités, bien des habitudes de vie. La pathologie diagnostiquée va tout expliquer ou presque. La pathologie devient une vérité médicale qui exclut l’avis du « patient », non seulement sur son fonctionnement corporel (physique ou psychique) mais également sur sa participation sociale et sur ses ressentis de situation de handicap. La pathologie explique tout, nimbée du pouvoir médical du diagnostic.

La pathologie assigne la personne dont une caractéristique en relève, et l’essentialise dans cette pathologie. Tout ce que fait la personne, comment elle agit et se comporte, est référé à la pathologie diagnostiquée. Le diagnostic donne une « nature » à la personne. Un enfant est dyslexique, il a (par ailleurs) quelques difficultés à nouer ses lacets de chaussures : on trouve, dans maints ouvrages sur la dyslexie, des observations dites de « co-morbidité » entre la dyslexie et la difficulté à faire des nœuds. Un enfant qui a une déficience auditive rencontre des difficultés scolaires : celles-ci sont liées « par nature » à sa pathologie auditive. On a ainsi des « tableaux cliniques » organisés autour d’une pathologie, sans recours à des explications contextuelles, sociales, environnementales.

L’examen de la situation d’une personne est ainsi biaisé par le sceau pathologique. Il reste conforme et en cohérence avec une approche bio-médicale, réparatrice, orthopédique, rééducative, qui a longtemps été la seule vision sociale des personnes handicapées. Approche centrée sur les défauts de la personne (déficiences, incapacités, troubles…) et oblitérant les facteurs environnementaux comme facteurs susceptibles d’expliquer, non pas la déficience proprement dite, mais les situations de vie des personnes, et même leur degré de limites des aptitudes. Le sceau pathologique place la personne dans le bizarre, l’étrange, la différence, l’altérité, qui justifiaient historiquement que les « prises en charge » des personnes concernées s’effectuaient dans des dispositifs de ségrégation et de discrimination.

Dans nombre de caractéristiques qui peuvent contribuer à être des facteurs de situations de handicap en lien avec des facteurs environnementaux, il y a certes ce que l’on nomme pathologies. Mais si celles-ci sont envahissantes, c’est en raison du caractère attribué à la pathologie : elle caractérise ce qui est de l’ordre de » l’anormal ». Canguilhem avait déjà posé le cadre il y a plus de 50 ans : « la pathologie doit être comprise comme une espèce de normal, l’anormal n’étant pas ce qui n’est pas normal, mais ce qui est un autre normal ». Un autre normal, qui ne peut pas fonctionner correctement parce que l’environnement dans lequel il se meut ne lui convient pas, et ne convient qu’à ceux qui sont des « normaux normaux ».

Tant que les pathologies resteront des marques individuelles d’un dysfonctionnement en rapport avec les normes attendues, elles désigneront de manière ségrégative les personnes qui en seront diagnostiquées. Non qu’il faille éliminer les diagnostics (ils sont nécessaires), mais peut-être plus pragmatiquement en limiter leur champ d’action. Les habitudes de vie (et les situations de handicap vécues) ne sont pas de l’ordre de diagnostics, ni de pathologies. Elles sont de l’ordre de la vie sociale, c’est-à-dire de l’arrimage entre des caractéristiques individuelles et le divers environnements dans lesquels vit la personne.

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