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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 16 décembre 2024

des besoins et des "nécessiteux"

Des besoins et des "nécessiteux"

 Dès lors que l’on évoque les situations de vie et l’accompagnement des personnes handicapées, quelles que soient les situations de handicap ou de participation sociale des personnes concernées, c’est la notion de besoin qui surgit et apparait comme prééminente. Quoi de plus banal ? Dans une société donnée, faite par et pour des personnes non handicapées, ce qui fait difficulté est l’écart entre les caractéristiques personnelles de la personne et les caractéristiques sociétales (sociales et physiques). Les écarts en question se traduisent en termes de besoins, afin de rejoindre les caractéristiques des personnes dites normales. Mais dans cette approche, on réduit en définitive les personnes en situations de handicap à leurs besoins, on les résume à leurs besoins d’accompagnement. Ils deviennent des (nos) nécessiteux, à qui il manque des choses et à qui il faut fournir des services.

Cette approche diagnostique à la mesure de besoins se manifeste de manière exemplaire à l’école, faisant des élèves handicapés des nécessiteux. Quand Camille, qui a une déficience et/ou des limites dans certaines de ses capacités, va à l’école, la réalisation de cette activité ou habitude de vie (aller à l’école, y faire des apprentissages…) dépend certes de Camille et de ses caractéristiques mais avant tout des conditions qui vont permettre de la réaliser : qu’elle puisse faire valoir son droit à aller à l’école et y être inscrite, son droit de faire partie d’une classe de l’établissement scolaire, son droit d’avoir des aides techniques ou humaines, son droit d’avoir des aménagements techniques et/ou pédagogiques, son droit d’avoir un environnement bienveillant et accueillant. Il s’agit donc moins d’identifier des besoins à satisfaire que d’identifier des obstacles à lever, comme il est nécessaire de lever des obstacles pour d’autres élèves.

Faire valoir des droits pour exercer ou réaliser une activité qui nous importe n’est pas le même choix que satisfaire des besoins. Cette dernière réponse focalise sur les manques et les écarts à réduire, sur l’incomplétude de l’élève ; la première réponse place l’élève en tant qu’élève parmi les autres élèves en s’adaptant à lui, et avec les mêmes droits fondamentaux. C’est pourtant la première réponse qui apparait comme spontanée : pour aller à l’école, Camille a des besoins qu’il convient de satisfaire pour qu’elle puisse y aller. Se pose-t-on la question des besoins pour un élève lambda ?

En définissant ainsi les caractéristiques de toute personne comme une liste de besoins (telle que validée par les politiques publiques par exemple dans la nomenclature SERAFIN-PH), on induit et court le risque de résumer et définir cette personne comme une personne incomplète, à qui il manque, un nécessiteux. Une personne handicapée serait une somme de besoins. Cette approche renforce indubitablement une image dégradée de la personne en situation de handicap. Définie par ses besoins, la personne handicapée devient une personne valide ratée.

En termes d’accompagnement, cela n’est pas sans incidences. Si une personne handicapée se résume à une somme de besoins, l’accompagnement aura pour objectifs de tenter de combler tous les besoins identifiés, afin de réduire les écarts avec les individus valides. Camille devra modifier son comportement, trouver les moyens d’être plus attentive, faire des exercices supplémentaires de mémorisation, s’exercer à telle ou telle capacité intellectuelle ou langagière, etc. Finalement, les projets d’accompagnement ressembleront beaucoup à ce qui se faisait classiquement dans le cadre des « rééducations ». Cette approche laisse de fait en arrière-plan les changements et modifications structurels et institutionnels nécessaires à l’exercice des habitudes de vie. Comment Camille peut-elle trouver une situation satisfaisante d’élève dans une école qui reste sur des fonctionnements pour des élèves valides, et qui attend qu’elle soit accompagnée afin d’être « comme les autres » ? Si l’école continue à être l’institution des élèves qui n’auraient pas de « besoins » spécifiques, elle ne sera nullement inclusive, ni pour les élèves en situation de handicap, ni pour de nombreux élèves qui rencontrent des difficultés.

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