Individualisation des parcours, individualisation de l'enseignement
Tout le monde s’accorde à penser que la perspective d’une
école inclusive ne va pas sans une adaptation de l’enseignement, dont les
modalités d’exercice sont considérées encore aujourd’hui comme non favorables à
la scolarisation d’élèves handicapés. L’une des modalités d’évolution invoquées
est l’individualisation, la singularisation, la personnalisation, la
différenciation. Au-delà des variations sémantiques, l’idée est celle d’une
adaptation aux situations des élèves, qu’ils soient ou non en situation de
handicap d’ailleurs.
L’individualisation est pourtant une pratique banale et
spontanée dans l’enseignement : un enseignant ne réagit pas de la même
manière avec ses élèves. Il a des attitudes différenciées : il sollicite
davantage l’un, il a plus de connivence avec un autre, il sait que « ça,
ça marche » avec celui-ci, etc.
Cette différenciation se réalise dans le cadre général d’une modalité uniforme
d’enseignement (horaires, progressions, évaluations…). Dans ce paradigme, une
individualisation plus poussée consisterait à répondre à chaque besoin
particulier, à la manière d’un garçon de café traitant toutes les commandes des
consommateurs, au risque bien évidemment d’une dispersion et d’une
insurmontabilité de la tâche.
Cela signifierait par exemple la multiplication des mesures
d’adaptation spécifiques pour les élèves en situation de handicap, dont on voit
bien que la surcharge induite est dissuasive. La croissance des aides
personnalisées à des publics de plus en plus hétérogènes montre les limites
d’une telle modalité dans une école qui se propose d’accueillir tous les
élèves. Les mesures spécifiques d’adaptation aux élèves en situation de handicap
quand elles doivent se multiplier pour accueillir de plus en plus tous les
élèves devient une surcharge dissuasive pour les enseignants et par conséquent
une obstacle « trivial » à l’inclusion.
Une autre individualisation a été expérimentée par des enseignants,
dans le courant de la « pédagogie nouvelle » (vieille déjà d’un
siècle) à l’aide d’outils méthodologiques comme le plan de travail ou
l’enseignement mutuel par exemple, dont la caractéristique est de mettre
l’enfant au centre des apprentissages. On aborde ici non l’individualisation de
l’enseignement, mais l’individualisation des parcours d’apprentissage des
élèves.
Plutôt que de penser l’impasse de l’individualisation de
l’enseignement, illusion de préceptorat simultané pour 25 élèves, il serait
préférable de concevoir l’individualisation des parcours d’apprentissage.
Celle-ci exige certes de la différenciation (des rythmes, des modalités, des
organisations) répondant à des besoins particuliers. Elle exige aussi de mettre
en œuvre son imagination pédagogique pour modifier en amont les modalités et
les stratégies pédagogiques, afin qu’elles puissent être adaptées à tous les
élèves. L’organisation des travaux de groupe, les aides technologiques aux
élèves qui en tireraient profit (qu’ils soient handicapés ou non),
l’aménagement du temps, les modalités d’évaluation sont des modalités qui
conviennent à tous, plutôt que de mettre en place une mesure particulière pour
l’un, ajoutée à une autre mesure particulière pour l’autre.
C’est de cette façon que l’on peut penser
l’individualisation des parcours dans le cadre de modalités d’enseignement
collectives et différenciées.
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