La LSF à la radio
Depuis quelque mois (novembre 2016), Marion Le Tohic,
interprète en langue des signes française, est présente sur France Inter, dans
le 7/9 de Patrick Cohen, pour traduire quelques chroniqueurs. Evidemment, il
faut regarder la radio sur son site internet. Qu’une radio ait pris une telle
initiative est le signe de la reconnaissance de la place légitime de la langue
des signes dans la « culture » française. On a vu également dans la
campagne présidentielle la présence plus importante de traductions en langue
des signes (même si tous les candidats n’ont pas fait le même effort, et ceci
indépendamment de leurs moyens financiers).
On peut se satisfaire de cette plus grande présence de la
prise en compte de la langue des signes, et par-delà la plus grand prise en
compte des personnes sourdes, dans le monde de la culture (bien au-delà la
radio), dans le monde politique, et également dans le monde universitaire et de
la recherche. Mais malheureusement, cet intérêt, qui s’affiche, se voit et
parait ainsi partagé, est en contrepoint d’un persistant rejet historique de la
langue des signes dans d’autres mondes.
Pour le monde sanitaire en premier lieu, la surdité est
encore une maladie qui doit faire l’objet d’une prévention, d’un diagnostic et
d’un traitement dans le registre médical et para-médical. Le dépistage systématique
néonatal, les préconisations de plus en plus nombreuses et précoces d’une
implantation cochléaire, les prescriptions d’orthophonie pour faire
l’apprentissage de la langue orale, la dissuasion encore prégnante (par absence
d’informations ou par injonctions) de l’utilisation de la langue des signes,
etc. dressent un tableau peu réjouissant de la manière de considérer les
caractéristiques et les particularités des personnes sourdes dans la
perspective de leur participation sociale dans la société.
Le monde médico-social se situe à la remorque de cette
approche, et ceci d’autant plus qu’il est depuis quelques années encore plus
ancré dans le sanitaire (ARS). On entend régulièrement des professionnels,
responsables ou de terrain, supputer de l’évolution de l’éducation des jeunes
sourds (« tu ne crois pas qu’avec les implants, bientôt il n’y aura plus
besoin de la langue des signes ? »). L’activité thérapeutique s’est
développée au détriment de l’activité éducative et en concurrence avec
l’activité scolaire, ainsi que la préoccupation de « soin ». A tel
point que de plus en plus, lorsque la langue des signes est utilisée, elle
l’est comme moyen pour mettre en place la communication et la langue orale ou
comme langue par défaut.
Le monde de l’éducation (nationale), s’il reconnait dans ses
textes la place de la langue des signes, peine à mettre en œuvre une éducation
bilingue, pour des raisons internes ou externes. Mais nombre d’acteurs de
l’éducation, y compris des responsables, ont des réticences à reconnaitre cette
langue avec ce que cela implique de la prise en compte des particularités.
Cette prévenance envers la langue des signes, que l’on
retrouve dans tous ces mondes différents, réfère, en partie au moins, à l’impossibilité
conceptuelle et psychosociale d’admettre des différences dans l’humanité, et
d’admettre que ces différences ont droit de cité et de citoyenneté sans avoir
besoin de les nier pour appartenir et faire partie de la société. Elle relève
d’une conception d’une intégration assimilatrice, et non d’une inclusion
respectueuse de l’autre.
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