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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 26 août 2025

autonomie versus assistanat

Autonomie versus assistanat

Et si l’autonomie de la personne (on pourrait aussi parler d’autodétermination, notion plus complexe et comprenant l’autonomie), pensée d’abord sur le registre qualitatif de condition fondamentale et enviable de la personne, se pervertissait en nouveau critère de séparatisme, de discrimination, et de domination ?  Et si la mesure de la valeur humaine se définissait aujourd’hui par le degré d’autonomie atteint pas les personnes, promouvant sur le devant de la scène celles qui la « possèdent » et reléguant celle qui n’en ont pas ou peu. La richesse (le capital économique et culturel) demeure un critère fondamental de distribution sociale, avec des phénomènes comme la discrimination, la relégation, les inégalités et l’injustice. Mais il pourrait s’y ajouter la « possession » et le degré de maitrise d’autonomie personnelle comme critère supplémentaire de distribution sociale. L’homme (plus souvent que la femme) qui réussit, et mérite de réussir, est celui qui maitrise des compétences d’autonomie lui permettant de se mouvoir en toute liberté dans le monde, de prendre des initiatives, de ne pas être soumis à certaines contingences, d’avoir et de prendre des responsabilités, celui qui agit selon des modalités souples, adaptées, flexibles, agiles…

L’envers du miroir n’est pas tant la dépendance (notion toutefois utilisée comme le contraire de l’autonomie dans certaines circonstances), mais le manque d’autonomie, qui se traduit dans le discours dominant et des dominants qui affichent leur autonomie, par l’assistanat, violemment honni. L’assistanat, dans ses abus comme dans ses bienfaits, a été un mode d’action partagé pour les populations qu’on pouvait qualifier de vulnérables, et regroupant différentes catégories. Il a pris les formes de charité, de bienfaisance, mais aussi de solidarités. Le terme assistanat prend aujourd’hui un autre sens, essentiellement négatif. Il qualifie des personnes ou des populations dont, à la lecture des propos qui sont tenus sur elles, on pourrait considérer que leur vie ne mérite pas d’être vécue. Le terme voue les population concernées à, en définitive, un certain degré d’inhumanité, ou d’incomplétude d’humanité face à l’idéal type de l’individu autonome, à une place basse dans la hiérarchie humaine, à être méprisés et dominés. Le discours politique sur l’assistanat et son coût assigne une multitude de personnes aux marges d’une société réservée aux personnes autonomes.

L’idéal type de l’humain s’est ainsi choisi et construit sur une valorisation de la singularité, correspondant aux fonctionnements économiques et sociaux de nos sociétés, rompant avec les déterminismes collectifs, et attribuant à l’être humain des attributs et des qualités en dehors desquels la reconnaissance est plus difficile. Et parmi ces qualités, il y a l’extraction de l’assistanat. L’idéal type étant ainsi socialement défini, ne pas être conforme à celui-ci comporte de sérieux inconvénients pour la vie sociale.

Dans  ces configurations, le manque d’autonomie est facilement essentialisable : il devient un attribut de la personne, incapable de s’en extraire. Sa responsabilité à ne pas s’en extraire est irrémédiablement engagée. Face à ceux qui ont le mérite d’être autonome, il y a les autres, dont on juge, au regard de ceux qui sont autonomes, qu’ils n’ont rien fait, qu’ils se laissent aller, etc. Des jugements hiérarchiques se créent et se diffusent : il y a une multitude d’assistés, dont il s’agit de changer obstinément l’état, indépendamment des conditions dans lesquelles cet « assistanat » s’est constitué. On en arrive vite à l’ostracisation et à la désignation négative qui attribue aux assistés un statut déshumanisant. A cela s’ajoute que l’aide à ces assistés doit s’accompagner de honte. Les personnes en situation de handicap ont bénéficié d’une aide protectrice qui les a souvent empêchées de construire leur autonomie. L’heure est aujourd’hui à leur émancipation. Il ne faudrait pas que les aides, comme pour d’autres catégories, assimilées à de l’assistanat, assignent les personnes concernées à être à l’extérieur des frontières de l’idéal type de l’individu autonome.

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