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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 6 juin 2025

le client est-il toujours roi ?

Le client est-il toujours roi ? 

Il y a parfois un amalgame ou une synonymie qui sont établis entre le fait de mettre la personne au centre des dispositifs d’accompagnement, et le fait d’être positionné comme client. Etre client, c’est, de ce point de vue, imposer au vendeur ou au prestataire des exigences propres à le satisfaire en tant que consommateur. C’est oublier un peu vite qu’être client, c’est aussi permettre au producteur de services ou de matériel, de vivre de ce type de transactions, ou mieux d’en tirer des profits. En réalité être client est un « argument », et « être au centre » c’est secondairement être au  centre des préoccupations du prestataire. C’est plutôt être l’objet ou le moyen de faire fonctionner un service, une entreprise, un dispositif, un marché en somme au profit du fournisseur, et de fait accessoirement au profit du client. Il s’agit d’une préoccupation marchande, dont le client peut tirer parfois, et même souvent, bénéfice s’il n’est pas dans la surconsommation à laquelle l’incite le marché, ou s’il n’est pas le simple et principal moyen d’augmenter le chiffre d’affaires et/ou les profits.

Le client est censé être roi. C’est à ce titre que les prosélytes du marché et du positionnement client veulent qualifier les bénéficiaires d’une prestation, garantie qu’il sera ainsi le centre de la transaction. Mais la transaction ne se fait pas fondamentalement au bénéfice du client, elle est d’abord et essentiellement au service du producteur ou du prestataire. Le centrage sur la personne n’est qu’un argument de vente. Là où le client est censé être roi, en rupture avec les anciennes pratiques institutionnelles, c’est dans les services ou dispositifs privés lucratifs. Ceux-ci  affichent tous effectivement cette priorité, avec à l’appui de magnifiques chartes, des principes hautement éthiques et souvent des labellisations expertes de la qualité. Mais dans ces configurations, les personnes clientes sont peut-être les rois, mais surtout des « vaches à lait ». Et c’est bien parce qu’il y a une possibilité d’exploitation des « vaches à lait » que des entreprises privées se sont intéressées et s’intéressent, et ont investi, en promouvant leurs actions comme étant au service des clients, dans le secteur des personnes âgées, de la petite enfance et bientôt du handicap et de l’action sociale.

Des enquêtes récentes ont montré comment ces vitrines cachaient de sordides marchés : Victor Castenet avec Les fossoyeurs (sur les EHPAD) et Les Ogres (sur les crèches privées), Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse avec Le prix du berceau (sur les crèches privées), ou encore Thibault Petit avec Le prix du handicap (sur les ESAT). Le marché et ses clients, qui ont régné et règnent sur le monde, n’ont jamais fait la preuve qu’ils empêchaient les injustices, les inégalités, les dominations, les exclusions, les réductions de droits et l’exploitation de l’humain. Preuve s’il en est que le « centrage sur la personne » est dans cette configuration une vaste fumisterie, une vitrine au service d’une autre finalité. Il y a mensonge et abus de langage expert à affirmer, comme le font des responsables, des politiques, des experts (« il faut oser le terme client dans le médico-social » affirment-ils), que l’adhésion à la notion de clientèle est la condition nécessaire et incontournable des postures centrée sur l’usager. Tout au contraire.

Mais alors au nom de quoi affirmer quand même que la préoccupation et la posture d’accompagnement centrées sur l’usager ont de la valeur. Peut-être au nom d’une posture éthique et politique, et non au nom du marché. Cette posture éthique et politique qui prend comme mesure de la pleine humanité l’émancipation des personnes, leur accès à davantage de droits, la participation sociale de tous les citoyens, l’égalité de ceux-ci dans la vie démocratique. Au nom de ces principes, chacun doit être reconnu en tant que personne à part entière, avec des droits et des pouvoirs. Finalement cela ressemble beaucoup à la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité », qui s’accommode mal des rapports marchands.

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