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lundi 5 mai 2025

démédicalisation et médicalisation

Démédicalisation et médicalisation

Il est bien loin le temps (plus d’un demi-siècle) où les premiers militants de la « Vie autonome » revendiquaient une démédicalisation des problématiques de handicap et de la vie des personnes handicapées. Certes les approches conceptuelles ont évolué, et les facteurs environnementaux ont fait irruption dans les explications des situations vécues par les personnes handicapées. De nombreuses recherches ont étayé ces approches. Les approches sociales et écosystémiques sont aujourd’hui reconnues et apparaissent comme s’étant substituées aux approches médicales et individuelles du handicap. Les débats et les politiques publiques se sont construits sur ces évolutions, en prenant également appui sur l’évolution de la considération de la place des personnes concernées, dont on trouve le cadre dans la déclaration des droits des personnes handicapées (Convention des droits des personnes handicapées, ONU) et dans de nombreux textes européens. On dispose donc aujourd’hui de nombreux outils pour examiner la question du handicap et les problématiques de vie des personnes handicapées d’un point de vue non médical, pour démédicaliser les questions et les problématiques.

Dans les actions et interventions d’accompagnement des professionnels auprès des personnes qui rencontrent des situations de handicap, on observe également des évolutions significatives : aménagement des environnements, accessibilité, respect de l’identité des personnes, relativisation de l’impératif de normalisation (par des soins, des traitements ou des rééducations), etc. Toutefois, on observe également des évolutions sociétales qui opèrent des mouvements vers une médicalisation de phénomènes qui auparavant n’étaient pas envisagés sous l’angle médical. Des problèmes autrefois qualifiés dans le registre social, sociétal ou politique se trouvent aujourd’hui qualifiés de pathologies, de maladies, de troubles, etc. Ainsi nouvellement qualifiés, ils appellent à des soins et traitements de correction, de normalisation, de guérison.

Sur le plan général par exemple, l’absence de bonheur, le fait de ne pas être heureux, est aujourd’hui presque toujours traité comme une pathologie, qui peut être réduite ou supprimée par des « soins » médicaux ou para-médicaux (ou par des techniques qui s’apparentent à des interventions soignantes). L’écosystémie ambiante, qui voudrait considérer que toute situation de vie dépend d’une certaine interaction entre une personne et les milieux dans lesquels elle vit, disparait au profit de traitement individuels qui se dérobent aux problématiques collectives et sociales. Pourtant, ne pas être heureux au travail ne dépend généralement pas de la personnalité individuelle d’un salarié, mais également du contexte et du cadre de travail.

Plus spécifiquement, lorsque l’on considère les situations de handicap, on observe également ce même phénomène. La maitrise de la langue écrite (lecture et écriture) qui présentait de grandes difficultés pour un part non négligeable de la population est ainsi devenue une pathologie sous le nom de dyslexie ou dysorthographie, avec encore des difficultés de délimitation de frontières entre les difficultés, l’échec et la pathologie. Le problème est que, définie comme pathologie, une situation trouve sa résolution dans un traitement individuel : l’élève concerné sera « soigné », après un diagnostic médical, par des professionnels dont la spécialité consiste justement à traiter ces problèmes. Là où la mission des enseignant était auparavant de répondre et de trouver des solutions à de tels échecs (sans toujours beaucoup de succès, il faut bien le reconnaitre), les solutions sont désormais situées à l’extérieur des classes, auprès de spécialistes non pas de l’apprentissage de la lecture et écriture (comme le sont les enseignants), mais de spécialistes de la remédiation et de la rééducation dans ces domaines.

C’est ainsi que la re-médicalisation des certaines problématiques, qui se développe aux confins de l’école, positionne les réponses sur un plan uniquement technique et individuel, privant l’école de sa mission d’éducation de tous dans les domaines de ces apprentissages, et en contradiction avec les perspectives d’école inclusive.

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