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mardi 4 février 2025

" Mais lui quand même, il ne peut pas être inclus !"

"Mais lui quand même, il ne peut pas être inclus !"

La question de la possibilité d’inclusion d’élèves handicapés dans les établissements scolaires se heurte toujours aux limites posées par des professionnels, que ce soient ceux de l’éducation nationale ou ceux de l’éducation dite spécialisée. Nombre de professionnels vont ainsi répondre : «  oui, mais avec le jeune que j’accompagne ce n’est pas possible », ou « oui, ça va avec beaucoup d’élèves handicapés, mais avec celui-là non ce n’est pas possible ». Autrement dit, pour une partie de la population concernée, celle vraisemblablement la plus proche de la population accueillie à l’école, cela est possible ; pour les autres non. C’est proprement la caractéristique des dispositifs d’intégration qui se sont mis en place avant que l’on ne s’inspire des principes de l’inclusion, ou plutôt de l’école inclusive. Diverses limites sont évoquées, dans l’école et chez les accompagnants : les écarts de niveaux, les troubles de comportement, la souffrance vécue… Toutes choses « vraies » et observables.

En prenant un peu de recul, on s’aperçoit, d’une part qu’il y a toujours eu des limites, d’autre part que les limites bougent. Les limites par le passé ont même été radicales : il était impensable que des enfants handicapés soient à l’école, leur place était dans des établissements spécifiques, loin des élèves dits ordinaires. L’emplacement des limites, ou de la frontière, entre eux (qui ne sont pas à l’école) et nous (qui le sommes) a évolué. Progressivement, les élèves handicapés ont conquis quelques droits à être scolarisés avec des congénères non handicapés, en maintenant toutefois une limite intangible. Cette limite intangible a reculé jusqu’à aujourd’hui : « oui, mais pas ceux-là ! ». On ne peut cependant que constater l’emplacement des limites varie, non seulement en fonction des époques, mais aussi et surtout en fonction des personnes qui s’expriment. Tel jeune, qui il y a quelques années était dans l’impossibilité de fréquenter l’école ou une classe, est aujourd’hui scolarisé avec accompagnement. Ce qui n’est pas possible dans une classe l’est dans une autre. Et même, paradoxalement, là où « l’inclusion » avait été pratiquée à un moment, les élèves rencontrent des difficultés, et les professionnels évoquent la nécessité d’un « retour » vers des dispositifs spécialisés.

Si un enfants souffre dans son environnement scolaire, il ne s’agit pas de lui attribuer exclusivement la responsabilité de cette souffrance ; l’environnement en est aussi responsable et il convient d’examiner en quoi il peut évoluer. Car les réponses ont tendance à s’installer dans les ornières formées par l’histoire : le monde scolaire ordinaire » ne convient pas à de tels élèves, qui relèvent de dispositifs spécialisés. Ne serait-il pas plus opportun, même si les environnements continuent à être des obstacles, de réfléchir aux accompagnements nécessaires des élèves concernés, de l’aide à leur apporter sur le plan personnel, des aménagements à apporter à la classe (matériel, chez les autres élèves, chez les enseignants, dans les modalités pédagogiques…)

La question des limites se pose toutefois, mais dans une autre configuration de questionnement. Si la politique inclusive consiste à placer les élèves handicapés dans l’école ordinaire sans étayer leur prise de place dans l’école, on assistera à une véritable catastrophe. Comme le « secteur psychiatrique » s’est désinstitutionnalisé et sectorisé, mais avec la soustraction des moyens, interdisant l’accompagnement de secteur, et a laissé à l’abandon nombre de malades. Si la transition inclusive de l’école ne s’accompagne pas de moyens et de ressources substantielles permettant un accompagnement de qualité des élèves concernés (compensations, accessibilité), la question des limites pour les situations les plus problématiques continuera de se poser. La suppression brutale et sans précautions de certaines limites, dans un environnement inchangé, enlèverait la protection nécessaire à certains, et deviendrait un facteur de risque. Elle générerait le risque de délaissement, d’assignation à l’isolement et à la marginalisation. Une telle situation, issue d’une idéologie basée sur le principe de l’autonomie supposée de tous les sujets, discrimine en réalité, et pénalise ceux qui sont le plus en difficultés.

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