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mercredi 29 octobre 2025

les paradoxes d'une approche individuelle

Les paradoxes d'une approche individuelle

Nul ne peut contester aujourd’hui qu’un usager de l’accompagnement médico-social ne puisse être au centre de cet accompagnement, qui le concerne au premier chef : le texte sociétal, le discours politique et les pratiques professionnelles sont basées sur cette évidence (qui n’a pas toujours été une évidence). L’investissement de la personne dans l’élaboration de son projet, sa responsabilisation, son autodétermination, les dispositifs pour faire valoir les droits individuels, les offres de choix, les organisations de dispositifs, ont tous pour référence de mettre l’usager et son projet au centre de l’action et de l’accompagnement. Cette référence fait rupture avec les anciennes références, où les usagers étaient soumis unilatéralement aux projets, aux missions, aux dispositifs, à l’expertise des professionnels, aux pratiques pensées par l’établissement spécialisé, « pour leur bien ».

Se dessine donc bien aujourd’hui une philosophie de l’accompagnement individualisé, personnalisé, adapté à la personne dans son unicité. Mais on peut se poser la question de savoir si cette philosophie ne contient pas en elle-même un paradoxe. En effet, si l’on observe l’évolution des conceptions du handicap et des situation de vie des personnes handicapées, on voit clairement que l’on est passé d’une approche individuelle et biomédicale à une approche sociale et écosystémique. Approche individuelle et biomédicale : le handicap ou les situations de handicap sont attribuées aux caractéristiques individuelles de la personne, en particulier à ses caractéristiques déficitaires et incapacitaires. Dans cette hypothèse, il y a lieu de réhabiliter les corps et les aptitudes de la personne, pour les rendre moins handicapées et plus conformes aux normes. Approche sociale et écosystémique : les situations de handicap sont produites dans et par l’interaction entre les caractéristiques personnelles et les caractéristiques des environnements, et c’est l’environnement ou le non accès aux droits qui empêchent la réalisation de certaines habitudes de vie, et qui produisent des situations de handicap vécues par les personnes. Cette dernière approche engage à des actions sur l’environnement, au sens large, pour le rendre plus « accessible ».

Le paradoxe de l’individualisation des réponses, des projets des personnes, c’est d’ancrer les nouvelles problématiques dans l’ancien paradigme de l’approche individuelle et inévitablement et tendanciellement biomédicale. Le risque est de mettre la focale sur les besoins, conçus comme écarts par rapport à une norme socialement instituée (c’est la proposition de SERAFIN-PH) en oblitérant les changements structurels nécessaire des conditions de vie et de l’environnement immédiat ou moins immédiat, sans lesquels les personnes seront toujours devant le plafond de verre de leur exclusion.

Si le centrage sur l’usager consiste à améliorer le performances mnésiques ou comportementales (nomenclature des besoins) pour aller à l’école, sans vouloir que le système éducatif change, cela ne peut déboucher que sur des impasses, comme ce fut le cas depuis toujours dans l’accompagnement des personnes handicapées. Si le centrage sur l’usager consiste à ce que les travailleurs handicapés travaillent mieux et plus vite pour s’adapter aux conditions de plus en plus exigeantes des entreprises, qu’elles maitrisent les compétences professionnelles exigibles, l’exclusion dans le travail a de beaux jours devant elle. L’autodétermination, la participation sociale, la qualité de vie ou l’inclusion, envisagées d’un point de vue de la responsabilité individuelle, sans engagement d’un changement sociétal des conditions de vie, s’inscrivent naturellement dans les perspectives du développement personnel, si dans l’air du temps des réponses « philosophiques » d’un modèle sociétal néolibéral, qui ne veut surtout rien changer dans l’ordre des choses.

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